Примеры, взятые у Делажа, на языке оригинала (1919) (Примеры приведены в том порядке, в котором встречаются в оригинале)

pp. 384-385

Je suis аu Laboratoire de Roscoff. Une nuit, je suis reveille par des coups pressants frappes a la porte de ma chambre. Je me souleve et demande: 'Qui est la? — Monsieur, repond la voix de Marty (le gardien du Laboratoire), c'est Mme H,' (une personne qui habitait veritablement la ville en ce moment et qui faisait partie de mes relations) ' qui vous prie de venir tout de suite chez elle pour Mile P,' (une personne faisant veritablement partie de la maison de Mme H- et que je connaissais egalement) 'qui est tombee subitement malade. — C'est bien, dis-je, le temps de m'habiller et j'y cours.' Je m'habille a la hate, mais avant de sortir, j'entre dans sоn cabinet de toilette pour me passer une éponge mouillée sur la figure. La sensation de l'eau fraiche me reveille et me fait constater que j'avais reve tout ce qui precedait et que personne n'etait venu me demander. Je me recouche done et me rendors. Mais peu de temps apres, les memes coups resonnent de nouveau a ma porte. 'Eh bien. Monsieur, vous ne venez done pas? — Eli quoi, c'est done vrai, je croyais avoir reve — Mais pas du tout, hatez-vous, on vous attend avec impatience. - C'est bien, j'v cours.' De nouveau, je m'habille, de nouveau, dans топ cabinet de toilette, je me passe de I'eau fraiche sur la figure, de nouveau la sensation de I'eau fraiche me reveille et me fait com-prendre que j'avais ete /e jouet d'une repetition de топ reve. Je me recouche done et me rendors.

La тете scene se renouve/le presque identiquement encore deux fois. Аи matin, quand je me reveille en realite, je reconnais аи pot-a-eau plein, a la cuvette vide, a I'eponge seche que tout ce/a n'avait ete qu'un reve; поп seulement les coups frappes a ma porte et les conversations avec /e gar-dien, mais de m'etre habille, d'avoir ete dans le cabinet de toilette, de m'e-tre lave Ja figure, d'avoir cru que je me reveillais apres un reve et m'etais recouche. Toute la serie des actes, des raisonnements et des pensees n'avait ete qu'un тете reve repete quatre fois de suite sans interruption du sommeil et sons que j'oie bouge de топ lit.

pp. 450-451

Je reve de nouveau que je devrais etre aveugle et que neanmoins j'y vois c/oir, niais je me rappelle qu'anterieurement j'ai eu cette illusion en reve. illusion qui s'est evanouie аи reveil; et alors, avec anxiete, je me pose la question: Est-ce que je reve5 ou suis-je eveille.-' J'ai /'impression que le probleme est delicat, que je risque de me tromper, de tirer une conclusion fausse et je m'efforce de reunir toutes les raisons qui peuvent eclairer la solution. Je me place bien en face d'un objet que je regarde; j'ouvre les veux, je le vois; je ferme les yeux, je ne le vois plus (bien entendu, dans топ sommeil, tous ces mouvements sont parfaitement imaginaires). Je me tate, je me secoue, frappe du pied pour m'assurer que je suis bien eveille et, toujours sans exception, je conclus que je suis eveille. Une fois тете dans ces circonstances, je reve que me belle-fille est aupres de moi. Je m'adresse a elle: Louise, lui dis-je, regardez, j'y vois clair, mais je crains que ce soit un reve. Suis-je bien eveille? Pincez-moi le bras pour que j'en sois bien sur. ' Elle ne me repond pas, mais me pince le bras; je sens a peine le pression de so main: 'Plus fort, lui dis-je.' Elle obeit, mais, sans doute par crainte de me faire ma/, me pince si /egerement que je le sens a peine. L 'epreuve neanmoins me parait concluante: et, a vrai dire, je suis si bien persuade d'etre eveille que je m'adresse a elle moins pour me conva-incre que pour la convaincre el/e-meme. Pas une minute il ne me vient a I'idee de penser que si je revais la verification ne prouverait rien puisqu'elle serait revee elle-meme. Done, je suis convaincu et me trouve tout heureux.

pp. 452-453

Je me dis: me void dans une situation facheuse ou agreable, mais je sais tres bien qu'elle n'a rien de reel. Des lors, sachant que je n'ai aucun risque a courir, je laisse la scene se derouler en spectateur curieux, assistant a un accident ou a une catastrophe qui ne saurait I'atteindre: de ce cote, m'at-tendent des gens qui en veulent a ma vie: je cherche a fuir; mais, tout a coup, le fait que je reve se revele a moi et je me dis: puisque je n'ai rien a craindre, je vais аи devant de mes ennemis, je les brave, je les frappe тете pour voir ce qui va arriver. Et cependant, bien que je me sente assez sur du caractere illusoire de la scene pour tenter une chose qui serait folie dans la vie reelle, je suis oblige de dominer, de vaincre un sentiment instinc-tif inspire par la crainte. Bien des fois, il m'est arrive ainsi de me jeter a dessein dans un danger pour voir ce qui va en resulter.

p. 453

A la suite de peripeties variees, je me trouve аи bord d'un precipice effrayant dont la seule vue me fait frissonner: une fa/aise a pic ou тете en surplomb de plusieurs centaines de pieds de hauteur, et, аи fond, tantot des rochers aigus, tantot des maisons et des arbres qui me paraissent tout petits par I'eloignement. Аи moment ou je tremble et me cramponne, brusquement le reve devient conscient: je sais que je reve, que tout cela n'est qu'illusion et que je ne cours aucun danger reel. Alors, pour voir quelle sera I'issue de cette decision, je prends le parti de m'elancer a corps perdu dans le vide. Ainsi fais-je et toujours j'arrive аи fond sans secousse, a inoins que nia chute ne se termine par un vol delicieux.

p. 454

Ce serait envisager les clioses d'une maniere tres inexacte de confondre ce cas avec celui de la simple reverie. Dans cette derniere, je n'eprouverais ni cette satisfaction puerile, ni ce reste de crainte instinctive, ni la curiosite de savoir ce qui va arriver, puisque, n'ayant aucunement perdu contact avec la realite, je saurais que ce quis'ensuivra depend uniquement de ma fantaisie. Аи contraire, dans les reves conscients, la connaissance du fait que je reve est le seul point de contact avec la realite, tout le reste est du reve qui, pour etre plus ou moins dirige par ma volonte dans certaines de ses parties, n'en a pas moins une part tres large, tres preponderante d'imprevu independant de ma volonte et situe hors de ma connaissance. Tout cela est fortement objective et impressionnant comme les faits de la vie reelle, de toute autre facon que les pales evocations de la reverie.

pp. 455-456

Je nie vois a Paris, аи bas de la rue Soufflet, a sa junction avec Ie boulevard Saint-Michel. Je suis sur Ie trottoir qui est a droite quand on monte vers Ie Pantheon et je regorde Ie cote oppose de la rue. Je constate que la se trouve un vaste etalage de bouquiniste; d'immenses rayons bordent la facade sous des arcades, et des employes juches sur des echelles sont occupes a manier les bouquins. A terre entre les piliers, sont des tables chargees de livres que consultent les passants et тете des lecteurs assis. Je considere ce spectacle avec un certain etonne-ment, mais sans me rap-peler dans топ reve qu'il n'est pas conforme a la realite, car je sais tres bien au'a cette place se trouve поп un bouquiniste, mais un grand cafe. Mais dans топ reve, ce souvenir ne me vient pas. Je m'eloigne et; tout aupres; sur Ie boulevard, entre Ie coin de la rue et la fontaine Media's, je me mele a des badauds qui font cercle autour d'un gymnaste forain. A ce moment, je me mets a ratiociner. Je me rappelle etre venu a Paris la veille, qui etait un samedi et il me vient a I'idee que Ie lendemain lundi, je viendrai encore a Paris, selon топ habitude, pour la seance de I'Academie. Et, de la, je con-clus (ce qui n'est pas bien meritoire;, que Ie jour present est un dimanche. Et tout a coup, je me dis: ' Comment se fait-il que je sois hi un dimanche? Cela ne m'arrive presque jamais', et, aussitot, la lumiere se fait dans топ esprit: 'Si c'est dimanche et si je me crois a Paris, c'est que je reve. ' Immediatement, Ie reve devient conscient de la maniere la plus nette, sans rien perdre de son caractere hallucinatoire ni de la vigueur des images qu'il represente.

Ainsi, ce qui a fait naitre en moi la conviction que je revais, ce n'est, point cet argument vatable que Ie coin de la rue Soufflet m'apparait occupe par un magasin que, (dans la realite, mais поп dans топ reve, puisque Ie souvenir ne m'en revient pas), je sais fort bien ne pas у etre. mais cet argument bien mediocre que je me vois a Paris un jour ou je n'aipas /'habitude d'y venir.

pp. 457-458

En void un que j'ai fait souvent avec diverses variantes dans Ie detail. Je dirai en passant que I'idee de cette disposition de la caverne doit avoir ete puisee par moi dans les relations que j'ai lues touchant les moeurs de I'ornithorynque, mammifere inferieur de I'Australie, dont la retraite est disposee a peu pres comme la caverne de топ reve.

Je suis poursuivi par des gens qui en veulent a ma vie: ce sont ou des malfaiteurs ou des sauvages ou souvent des soldats d'une puissance ennemie en guerre avec la France. Je vais etre atteint, quelquefois тете je suis deja pris, quand une pensee surgit dans топ cerveau: je me ropelle qu'il у a un moyen admirable de tromper la vigilance des poursuivants, c'est de me cacher dans une caverne tout a fait inaccessible pares que son entree est submergee et qu'il faut plonger dans I'eau d'un lac pour v penetrer. Remarquez qu'a ce moment il n'v a dans топ reve ni lac, ni caverne a I'e-tat d'image mentale exteriorisee, c'est une simple pensee qui me vient аи cerveau pendant que je fuis dans une rue ou dans les corridors d'une mai-son. A ce moment, par un acte de ma volonte, je change la scene et la transporte dans un autre cadre ou se trouvent Ie lac et la caverne neces-saires. Parfois тете, s'il arrive que j'etais deja pris, je remonte Ie cours des evenements et me replace a un moment ou je ne I'etais pas encore pour fake derouler la scene dans une outre direction et lui donner une issue differente. Done je replace Ie tout, poursuivants et poursuivi, a bonne distance, je prends de I'avance pour arriver Ie premier et sans etre vu a I'en-droit convenable du lac; la, je plonge et penetre dans la caverne ou j'e-prouve un sentiment parfait de securite, prenant тете plaisir a entendre au-dessus de ma tete, separes de moi par une mince couche de terre, les pas des poursuivants a pied ou a cheval, errant en tous sens, completement desorientes.