Мост Мирабо

Аполлинер Гийом

Alcools

Алкоголи

(1913)

 

 

LE PONT MIRABEAU

Sous le pont Mirabeau coule la Seine Et nos amours Faut-il qu'il m'en souvienne La joie venait toujours après la peine Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure Les mains dans les mains restons face à face Tandis que sous Le pont de nos bras passe Des éternels regards l'onde si lasse Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure L'amour s'en va comme cette eau courante L'amour s'en va Comme la vie est lente Et comme l'Espérance est violente Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure Passent les jours et passent les semaines Ni temps passé Ni les amours reviennent Sous le pont Mirabeau coule la Seine Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure

 

Мост Мирабо

Под мостом Мирабо исчезает Сена А с нею любовь Что же грусть неизменна Уступавшая радостям так смиренно Тьма спускается полночь бьет Дни уходят а жизнь идет Словно мост мы сомкнули руки с тобою Покуда волна За волной чередою Взгляд за взглядом влечет под него с тоскою Тьма спускается полночь бьет Дни уходят а жизнь идет Вот и наша любовь подобна стремнине И медлят года Как река на равнине Но надежда неистова и поныне Тьма спускается полночь бьет Дни уходят а жизнь идет Дни уходят недели тают как пена И словно любовь И как жизнь постепенно Под мостом Мирабо исчезает Сена Тьма спускается полночь бьет Дни уходят а жизнь идет

 

ANNIE

Sur la côte du Texas Entre Mobile et Galveston il у a Un grand jardin tout plein de roses Il contient aussi une villa Qui est une grande rose Une femme se promène souvent Dans le jardin toute seule Et quand je passe sur la route bordée de tilleuls Nous nous regardons Comme cette femme est mennonite Ses rosiers et ses vêtements n'ont pas de boutons Il en manque deux à mon veston La dame et moi suivons presque le même rite

 

АННИ

[35]

На побережье Техаса По дороге из Мобила на Галвестон [36] В огромном саду где сплошные розы Дом укромный стоит за кустами он И сам наподобье огромной розы Одна недотрога уж я-то знаю Одиноко гуляет в этом саду И когда я дорогой под липами мимо иду Мы глазами встречаемся с нею Она меннонитка [37] и соблюдает запрет На пуговицы и я возражать не смею Я сам две своих с пиджака потерял и вернее Способа стать одноверцем с ней кажется нет

 

LA MAISON DES MORTS

S'étendant sur les côtés du cimetière La maison des morts l'encadrait comme un cloître А l'intérieur de ses vitrines Pareilles à celles des boutiques de modes Au lieu de sourire debout Les mannequins grimaçaient pour l'éternité Arrivé à Munich depuis quinze ou vingt jours J'étais entré pour la première fois et par hasard Dans ce cimetière presque désert Et je claquais des dents Devant toute cette bourgeoisie Exposée et vêtue le mieux possible En attendant la sépulture Soudain Rapide comme ma mémoire Les yeux se rallumèrent De cellule vitrée en cellule vitrée Le ciel se peupla d'une apocalypse Vivace Et la terre plate à l'infini Comme avan'c Galilée Se couvrit de mille mythologies immobiles Un ange en diamant brisa toutes les vitrines Et les morts m'accostèrent Avec des mines de l'autre monde Mais leur visage et leurs attitudes Devinrent bientôt moins funèbres Le ciel et la terre perdirent Leur aspect fantasmagorique Les morts se réjouissaient De voir leurs corps trépassés entre eux et la lumière Ils riaient de leur ombre et l'observaient Comme si véritablement C'eût été leur vie passée Alors je les dénombrai Ils étaient quarante-neuf hommes Femmes et enfants Qui embellissaient à vue d'œil Et me regardaient maintenant Avec tant de cordialité Tant de tendresse même Que les prenant en amitié Tout à coup Je les invitai à une promenade Loin des arcades de leur maison Et tous bras dessus bras dessous Fredonnant des airs militaires Oui tous vos péchés sont absous Nous quittâmes le cimetière Nous traversâmes la ville Et rencontrions souvent Des parents des amis qui se joignaient A la petite troupe des morts récents Tous étaient si gais Si charmants si bien portants Que bien malin qui aurait pu Distinguer les morts des vivants Puis dans la campagne On s'éparpilla Deux chevau-légers nous joignirent On leur fit fête Ils coupèrent du bois de viorne Et de sureau Dont ils firent des sifflets Qu'ils distribuèrent aux enfants Plus tard dans un bal champêtre Les couples mains sur les épaules Dansèrent au son aigre des cithares Ils n'avaient pas oublié la danse Ces morts et ces mortes On buvait aussi Et de temps à autre une cloche Annonçait qu'un nouveau tonneau Allait être mis en perce Une morte assise sur un banc Près d'un buisson d'épine-vinette Laissait un étudiant Agenouillé à ses pieds Lui parler de fiançailles Je vous attendrai Dix ans vingt ans s'il le faut Votre volonté sera la mienne Je vous attendrai Toute votre vie Répondait la morte Des enfants De ce monde ou bien de l'autre Chantaient de ces rondes Aux paroles absurdes et lyriques Qui sans doute sont les restes Des plus anciens monuments poétiques De l'humanité L'étudiant passa une bague A l'annulaire de la jeune morte Voici le gage de mon amour De nos fiançailles Ni le temps ni l'absence Ne nous feront oublier nos promesses Et un jour nous aurons une belle noce Des touffes de myrte A nos vêtements et dans vos cheveux Un beau sermon à l'église De longs discours après le banquet Et de la musique De la musique Nos enfants Dit la fiancée Seront plus beaux plus beaux encore Hélas! la bague était brisée Que s'ils étaient d'argent ou d'or D'émeraude ou de diamant Seront plus clairs plus clairs encore Que les astres du firmament Que la lumière de l'aurore Que vos regards mon fiancé Auront meilleure odeur encore Hélas! la bague était brisée Que le lilas qui vient d'éclore Que le thym la rose ou qu'un brin De lavande ou de romarin Les musiciens s'en étant allés Nous continuâmes la promenade Au bord d'un lac On s'amusa à faire des ricochets Avec des cailloux plats Sur l'eau qui dansait à peine Des barques étaient amarrées Dans un havre On les détacha Après que toute la troupe se fut embarquée Et quelques morts ramaient Avec autant de vigueur que les vivants A l'avant du bateau que je gouvernais Un mort parlait avec une jeune femme Vêtue d'une robe jaune D'un corsage noir Avec des rubans bleus et d'un chapeau gris Orné d'une seule petite plume défrisée Je vous aime Disait-il Comme le pigeon aime la colombe Comme l'insecte nocturne Aime la lumière Trop tard Répondait la vivante Repoussez repoussez cet amour défendu Je suis mariée Voyez l'anneau qui brille Mes mains tremblent Je pleure et je voudrais mourir Les barques étaient arrivées A un endroit оù les chevau-légers Savaient qu'un écho répondait de la rive On ne se lassait point de l'interroger Il у eut des questions si extravagantes Et des réponses tellement pleines d'à-propos Que c'était à mourir de rire Et le mort disait à la vivante Nous serions si heureux ensemble Sur nous l'еаu se refermera Mais vous pleurez et vos mains tremblent Aucun de nous ne reviendra On reprit terre et ce fut le retour Les amoureux s'entr'aimaient Et par couples aux belles bouches Marchaient à distances inégales Les morts avaient choisi les vivantes Et les vivants Des mortes Un genévrier parfois Faisait l'effet d'un fantôme Les enfants déchiraient l'air En soufflant les joues creuses Dans leurs sifflets de viorne Ou de sureau Tandis que les militaires Chantaient des tyroliennes En se répondant comme on le fait Dans la montagne Dans la ville Notre troupe diminua peu à peu On se disait Au revoir A demain A bientôt Beaucoup entraient dans les brasseries Quelques-uns nous quittèrent Devant une boucherie canine Pour у acheter leur repas du soir Bientôt je restai seul avec ces morts Qui s'en allaient tout droit Au cimetière Sous les Arcades Je les reconnus Couchés Immobiles Et bien vêtus Attendant la sépulture derrière les vitrines Ils ne se doutaient pas De ce qui s 'était passé Mais les vivants en gardaient le souvenir С'était un bonheur inespéré Et si certain Qu'ils ne craignaient point de le perdre Ils vivaient si noblement Que ceux qui la veille encore Les regardaient comme leurs égaux Ou même quelque chose de moins Admiraient maintenant Leur puissance leur richesse et leur génie Car у a-t-il rien qui vous élève Comme d'avoir aimé un mort ou une morte On devient si pur qu'on en arrive Dans les glaciers de la mémoire A se confondre avec le souvenir On est fortifié pour la vie Et l'on n'a plus besoin de personne

 

Дом мертвых

[38]

Дом мертвых стоял у кладбища Примостившись к нему подобно монастырю За его большими стеклами Похожими на витрины модных лавок Манекены не стояли а лежали Со смертными гримасами вместо улыбок Я в Мюнхене был уже две-три недели Но случайно оказался впервые Здесь где не встретил никого живого И задрожал от страха Увидав эту местную публику Выставленную на обозрение И принаряженную к похоронам И вдруг Мгновенно как память моя В каждой из этих стеклянных клеток Зажглись глаза И апокалипсис Небо наполнил ожившей толпой А земля Такая же плоская как в догалилеево время Покрылась тысячью мифов застывших Ангел алмазом провел по стеклам И мертвые с потусторонними взглядами Меня окружили со всех сторон Но вскоре их лица и позы Утратили эту мрачность И небо с землею стали Куда реальней Мертвые веселели Видя как снова тела их плотнели и света не пропускали Они улыбались тому что опять обретали тени И смотрели на них Словно это и вправду была их прошедшая жизнь И тогда я всех сосчитал Оказалось их сорок девять Женщин мужчин и детей К ним на глазах возвращался их прежний облик И теперь они на меня глядели со всей Сердечностью Нежностью даже И таким дружелюбием Что Я внезапно решился и словно хороших друзей Пригласил их скорей прогуляться поодаль От руки не отняв руки Напевая военные марши Да простятся ваши грехи Уходили мы дальше и дальше Мы город пересекали И то и дело встречали родных Кого-то из тех кто скончался совсем недавно И с собой уводили их И было так мило и славно Так весело среди них Что вряд ли бы вы отличили Покойников от живых Выйдя за город Все разделились Тут к нам присоединились Два всадника встреченных криком веселым Из бузины и калины Они Вытачивали свистульки И детям дарили их А потом мы попали на сельский праздник Партнеры держали друг друга за плечи И пары кружились под цвеньканье цитры Они не забыли все эти па Мертвые кавалеры и дамы Они пропускали стакан за стаканом И время от времени Колокол бил возвещая о том Что новая бочка с вином открыта Одна из покойниц сидела в саду На скамье под кустом барбариса А какой-то студент Перед ней на коленях В любви объяснялся Я буду ждать вас сколько хотите Десять лет или двадцать лет Как скажете так и будет Я буду ждать вас Всю вашу жизнь Мертвая отвечала Дети Того и этого света Встали в один хоровод и пели На языке своем птичьем Заумном и поэтичном На том что остался от древних времен Цивилизации А студент колечко Надел на палец мертвой невесты Это залог любви моей вечной Свидетельство нашей помолвки Ни разлука ни время Не разведут наши судьбы И в день нашей будущей свадьбы Миртовыми ветвями Украсим мы нашу одежду и вашу прическу Будет богатым венчание Долгим застолье И столько музыки Музыки столько А наши дети будут конечно Шепчет она Всех краше на свете Увы! рассыпалось в прах колечко Краше золота будут дети Крепче алмаза белее льна Всех светлей всех светлей на свете Краше чем звезды и чем луна Краше чем первый луч на рассвете Краше чем взгляд ваш такой сердечный Благоуханней всего на свете Увы! рассыпалось в прах колечко Благоуханней лилий в букете Благоуханней чем розы и тмин Чем лаванда и розмарин Музыканты исчезли Мы продолжили путь Камешки мы бросали С берега озера в воду И вместе с ними плясали Как камешки плоские волны Возле причала качались Привязанные лодки Мы их отвязали И всей толпою в них разместились И мертвые за весла схватились И стали грести подражая живым В лодке которой я управлял Мертвый сидел на носу и беседовал с юной особой Одетой в желтое платье С черным корсажем У нее были синие ленты и серая шляпка С единственным гладким пером Я люблю вас Он ей говорил Как голубь голубку Как ночная бабочка Любит свет Слишком поздно Ему отвечала живая Отступитесь от этой запретной любви Я замужем Видите вот и колечко Но руки дрожат И слезы текут я хочу умереть Лодки причалили Всадники выбрали место Где эхо реке отвечало И все закричали Стали вопросы забавные задавать ему наперебой И эхо в ответ отзывалось так кстати Что все хохотали А мертвый меж тем обращался к живой Мы вместе не будем бояться разлуки Над нами сомкнётся вода Что же вы плачете что же дрожат ваши руки Нам сюда не вернуться уже никогда И вот мы ступили на землю пора и назад Влюбленные обнимались Парочки отставали И отстав целовались Мертвецы выбирали живых А живые Мертвых И порою кусты можжевельника Их пугали как привидения Впалые щеки надув Дети свистели в свистульки Из бузины И калины А в это время служивые Пели тирольские песни Перекликаясь как будто На горных склонах В городе Наша честная компания стала редеть Все говорили друг другу Пока До завтра До скорого Многие заходили в пивнушки А кто-то В мясную лавку Надеясь что-нибудь взять на ужин И вот я остался один с мертвецами Которые тут же отправились прямо На кладбище Где Под аркадами дома Я снова увидел их всех За большими стеклами Неподвижных Лежащих И принаряженных к похоронам Мертвые так и остались в неведении В чем же они принимали участие Но живые хранили воспоминание Об этом неожиданном счастье И достоверном настолько Что они не боялись его лишиться И стали жить они так благородно Что даже тот кто еще накануне На них поглядывал как на равных Или скорее высокомерно Теперь восхищался их богатством Их могуществом их интеллектом Поскольку ничто вас не возвышает так Как любовь к мертвецу или к мертвой От этой любви вмороженной в память И от прошлого не отторжимой Становятся столь чисты и сильны И от напастей защищены Что ни в ком не нуждаются больше

 

LA BLANCHE NEIGE

Les anges les anges dans le ciel L'un est vêtu en officier L'un est vêtu en cuisinier Et les autres chantent Bel officier couleur du ciel Le doux printemps longtemps après Noël Те médaillera d'un beau soleil D'un beau soleil Le cuisinier plume les oies Ah! tombe neige Tombe et que n'ai-je Ma bien-aimée entre mes bras

 

БЕЛЫЙ СНЕГ

О сколько ангелов над головой Один одет как рядовой В халате повара другой И горний хор вокруг Один как небо голубой Весной ты будешь награжден с лихвой Медалью солнца золотой Медалью золотой Ощипывает повар кур Неодолимый Снег и любимой Нет меж моих простертых рук

 

POÉME LU AU MARIAGE D'ANDRÉ SALMON

le 13 juillet 1909

En voyant des drapeaux ce matin je ne me suis pas dit Voilà les riches vêtements des pauvres Ni la pudeur démocratique veut me voiler sa douleur Ni la liberté en honneur fait qu'on imite maintenant Les feuilles ô liberté végétale ô seule liberté terrestre Ni les maisons flambent parce qu'on partira pour ne plus revenir Ni ces mains agitées travailleront demain pour nous tous Ni même on a pendu ceux qui ne savaient pas profiter de la vie Ni même on renouvelle le monde en reprenant la Bastille Je sais que seuls le renouvellent ceux qui sont fondés en poésie On a pavoisé Paris parce que mon ami André Salmon s'y marie Nous nous sommes rencontrés dans un caveau maudit Au temps de notre jeunesse Fumant tous deux et mal vêtus attendant l'aube Épris épris des mêmes paroles dont il faudra changer le sens Trompés trompés pauvres petits et ne sachant pas encore rire La table et les deux verres devinrent un mourant qui nous jeta le dernier regard d'Orphée Les verres tombèrent se brisèrent Et nous apprîmes à rire Nous partîmes alors pèlerins de la perdition A travers les rues à travers les contrées à travers la raison Je le revis au bord du fleuve sur lequel flottait Ophélie Qui blanche flotte encore entre les nénuphars Il s'en allait au milieu des Hamlets blafards Sur la flûte jouant les airs de la folie Je le revis près d'un moujik mourant compter les béatitudes En admirant la neige semblable aux femmes nues Je le revis faisant ceci ou cela en l'honneur des mêmes paroles Qui changent la face des enfants et je dis toutes ces choses Souvenir et Avenir parce que mon ami André Salmon se marie Réjouissons-nous non pas parce que notre amitié a été le fleuve qui nous a fertilisés Terrains riverains dont l'abondance est la nourriture que tous espèrent Ni parce que nos verres nous jettent encore une fois le regard d'Orphée mourant Ni parce que nous avons tant grandi que beaucoup pourraient confondre nos yeux et les étoiles Ni parce que les drapeaux claquent aux fenêtres des citoyens qui sont contents depuis cent ans d'avoir la vie et de menues choses à défendre Ni parce que fondés en poésie nous avons des droits sur les paroles qui forment et défont l'Univers Ni parce que nous pouvons pleurer sans ridicule et que nous savons rire Ni parce que nous fumons et buvons comme autrefois Réjouissons-nous parce que directeur du feu et des poétes L'amour qui emplit ainsi que la lumière Tout le solide espace entre les étoiles et les planètes L'amour veut qu'aujourd'hui mon ami André Salmon se marie

 

СТИХИ, ПРОЧИТАННЫЕ НА СВАДЬБЕ АНДРЕ САЛЬМОНА

13 июля 1909 г.

[40]

Увидев с утра многоцветные флаги я не был ничуть удивлен И себе не сказал мол опять нищету драпируют богатством Мол под ложным стыдом демократия язвы скрывает Мол хотят чтоб свобода листве подражала О свобода природы последняя в мире свобода Мол пылают дома потому что уходят из них навсегда Мол взволнованно машут нам руки что завтра вернутся к станкам Мол повесили тех чья проиграна жизнь Мол опять обновляется мир и Бастилия пала Нет его обновляют лишь те кто в поэзию страстно влюблен И Париж оживлен многоцветьем знамен ибо женится друг мой Андре Сальмон Встретились мы в дрянном погребке Оба юнцами были Оба курили обноски носили рассвет поджидали А как мы слова любили чью суть изменить предстояло И как мы обмануты были бедные бедные дети не умевшие улыбаться Стол и два стакана на нем вдруг привиделись нам лицом умирающего Орфея Стаканы скатились стаканы разбились И мы научились смеяться И тогда мы пошли разбрелись кто куда пилигримы сомненья изгнанья По дорогам земли по глухим перепутьям сознанья А потом я увидел его у реки где качалась Офелия Нежно белея в кувшинках как сон Гамлеты бледной безумной толпою его окружали и он Флейтой озвучивал странное это веселие После я видел как он с мужиком умиравшим сидел размышляя о благодати Видел как он восхищался снегом подобным нагому женскому телу Видел как делал он то и другое вспоминая слова что мы так любили Слова изменившие детские лица и я говорю это все наделен Памятью и Предвидением ибо сегодня женится друг мой Андре Сальмон Будем же радоваться но вовсе не потому что наша дружба была изобильной рекой И плодородьем прибрежных почв которые могут вскормить любого Не потому что наши стаканы снова смотрят на нас подобно умирающему Орфею Не потому что мы так повзрослели что можно принять одно за другое наши глаза и звезды Не потому что знамен многоцветье плещется в окнах довольных граждан которые вот уже больше столетья гордятся каждой мелочью быта и готовы живот положить за нее Не потому что имеем право на рифмы и ритм которым по силам изменять Мироздание Не потому что мы научились плакать и не казаться смешными не потому что умеем смеяться Не потому что мы пьем и курим как прежде когда мы были юнцами Будем же радоваться потому что силой внушенной огню и поэтам Любовью наполняющей светом Всю Вселенную испокон Любовью приказано чтобы сегодня женился друг мой Андре Сальмон

 

L'ADIEU

J'ai cueilli ce brin de bruyère L'automne est morte souviens-t'en Nous ne nous verrons plus sur terre Odeur du temps brin de bruyère Et souviens-toi que je t'attends

 

ПРОЩАНИЕ

Я сломил эту ветку вереска Видишь осень мертва опять Нам уже никогда не встретиться Запах времени ветка вереска Только помни что буду ждать

 

SALTIMBANQUES

Dans la plaine les baladins S'éloignent au long des jardins Devant l'huis des auberges grises Par les villages sans églises Et les enfants s'en vont devant Les autres suivent en rêvant Chaque arbre fruitier se résigne Quand de très loin ils lui font signe Ils ont des poids ronds ou carrés Des tambours des cerceaux dorés L'ours et le singe animaux sages Quêtent des sous sur leur passage

 

БРОДЯЧИЕ АКРОБАТЫ

Вдоль по равнине мимо садов Минуя кров постоялых дворов По нищим селеньям с зари до заката Идут бродячие акробаты К ним детвора пристает на ходу За ними она бредет как в бреду И каждая ветка подносит плод им За их работу политую потом Обручи вертят гири несут Бьют барабан созывая люд Их мудрые звери мартышка с медведем Обходят круг собирая медь им

 

AUTOMNE

Dans le brouillard s'en vont un paysan cagneux Et son bœuf lentement dans le brouillard d'automne Qui cache les hameaux pauvres et vergogneux Et s'en allant là-bas le paysan chantonne Une chanson d'amour et d'infidélité Qui parle d'une bague et d'un cœur que l'on brise Oh! l'automne l'automne a fait mourir l'été Dans le brouillard s'en vont deux silhouettes grises

 

ОСЕНЬ

Плетется сквозь туман крестьянин колченогий И вол медлительный бредет за ним вослед В туман где ежится и стынет кров убогий Крестьянин затянул вполголоса куплет Все про любовь поет измены да наветы Про бедный перстенек про боль сердечных ран Ах осень осень вот и ты убила лето Две тени серые плетутся сквозь туман

 

ROSEMONDE

Longtemps au pied du perron de La maison оù entra la dame Que j'avais suivie pendant deux Bonnes heures à Amsterdam Mes doigts jetèrent des baisers Mais le canal était désert Le quai aussi et nul ne vit Comment mes baisers retrouvèrent Celle à qui j'ai donné ma vie Un jour pendant plus de deux heures Je la surnommai Rosemonde Voulant pouvoir me rappeler Sa bouche fleurie en Hollande Puis lentement je m'en allai Pour quêter la Rose du Monde

 

РОЗАМУНДА

Я долго ждал у двери за Которой скрылась эта дама Я шел за нею два часа По набережным Амстердама И поцелуи слал вослед Но был безлюден белый свет И пуст канал и не видал Никто как эти поцелуи Летели к той за кем с тоской Я шел их тщетно посылая Я Розамундой называл Ту что цвела голландской розой [43] Запоминал как был он ал Цвет губ ее и шел за грезой И Розу Мира я искал

 

RHÉNANES

РЕЙНСКИЕ СТИХИ

 

NUIT RHÉNANE

Mon verre est plein d'un vin trembleur comme une flamme Ecoutez la chanson lente d'un batelier Qui raconte avoir vu sous la lune sept femmes Tordre leurs cheveux verts et longs jusqu'à leurs pieds Debout chantez plus haut en dansant une ronde Que je n'entende plus le chant du batelier Et mettez près de moi toutes les filles blondes Au regard immobile aux nattes repliées Le Rhin le Rhin est ivre où les vignes se mirent Tout l'or des nuits tombe en tremblant s'y refléter La voix chante toujours à en râle-mourir Ces fées aux cheveux verts qui incantent l'été Mon verre s'est brisé comme un éclat de rire

 

РЕЙНСКАЯ НОЧЬ

В стакане у меня вино горит хмельное А лодочник в ночи выводит свой напев Поет как видел он семь женщин под луною Длинноволосых фей зеленокудрых дев Так что ж молчите вы вставайте в круг и пойте Чтоб хором заглушить тревожащий напев И светлокосых див передо мной постройте Пусть пляшут юные и смотрят обомлев Рейн пьян в дымину пьян и виноградник спит Как золото в воде мерцая до рассвета А лодочник поет а песня все томит Зеленокудрых фей зачаровавших лето И мой стакан как смех на сотни брызг разбит

 

MAI

Le mai le joli mai en barque sur le Rhin Des dames regardaient du haut de la montagne Vous êtes si jolies mais la barque s'éloigne Qui donc a fait pleurer les saules riverains Or des vergers fleuris se figeaient en arrière Les pétales tombés des cerisiers de mai Sont les ongles de celle que j'ai tant aimée Les pétales flétris sont comme ses paupières Sur le chemin du bord du fleuve lentement Un ours un singe un chien menés par des tziganes Suivaient une roulotte traînée par un âne Tandis que s'éloignait dans les vignes rhènanes Sur un fifre lointain un air de régiment Le mai le joli mai a paré les ruines De lierre de vigne vierge et de rosiers Le vent du Rhin secoue sur le bord les osiers Et les roseaux jaseurs et les fleurs nues des vignes

 

МАЙ

Май несравненный май по Рейну в лодке плыл И дамы на него смотрели с косогора Вы были так милы а он исчез так скоро В тени плакучих ив Кто боль им причинил Он плыл среди садов где все в цвету навеки Где вишни вешние роняют лепестки И эти лепестки прозрачны и легки Как ваши ноготки нежны как ваши веки Цыгане вдоль реки в лохмотьях и в пыли На привязи вели медведя с обезьяной А ослик впереди дорогою песчаной Кибитку волочил покуда флейтой рьяной Мотивчик полковой истаивал вдали Май несравненный май кустами дикой розы Оплел развалины плющом их испещрив А ветер над водой терзает ветви ив И шепчущий камыш и зябнущие лозы

 

LA SYNAGOGUE

Ottomar Scholem et Abraham Lœweren Coiffés de feutres verts le matin du sabbat Vont à la synagogue en longeant le Rhin Et les coteaux оù les vignes rougissent là-bas Ils se disputent et crient des choses qu'on ose à peine traduire Bâtard conçu pendant les règles ou Que le diable entre dans ton père Le vieux Rhin soulève sa face ruisselante et se détourne pour sourire Ottomar Scholem et Abraham Lœweren sont en colère Parce que pendant le sabbat on ne doit pas fumer Tandis que les chrétiens passent avec des cigares allumés Et parce qu'Ottomar et Abraham aiment tous deux Lia aux yeux de brebis et dont le ventre avance un peu Pourtant tout à l'heure dans la synagogue l'un aprés l'autre Ils baiseront la thora en soulevant leur beau chapeau Parmi les feuillards de la fête des cabanes Ottomar en chantant sourira à Abraham Ils déchanteront sans mesure et les voix graves des hommes Feront gémir un Leviathan au fond du Rhin comme une voix d'automne Et dans la synagogue pleine de chapeaux on agitera les loulabim Hanoten ne Kamoth bagoim tholahoth baleoumim

 

СИНАГОГА

Оттомар Шолем и Авраам Лёверейн Надев зеленые шляпы в субботний день поутру Торопятся в синагогу минуя холмистый Рейн По склонам которого рыжие лозы качаются на ветру Они по дороге ругаются так что перевести их не выйдет Мать твою обрюхатили в месячные Чтобы черти отцу твоему раздробили кости Старый Рейн ухмыляясь отвел водянистый свой взгляд будто он их не видит Оттомар Шолем и Авраам Лёверейн лопаются от злости Потому что в субботу курить им нельзя никак А кругом христиане курят вонючий табак Потому что они в одночасье влюбились вдвоем В Лию с овечьим взглядом и выпуклым животом. Однако войдя в синагогу они друг за другом Прикоснутся губами к торе завидные шляпы свои приподняв Запоют и сквозь ветви зеленые праздника Кущей [44] Оттомар улыбнется и ответит ему Авраам И на громкое их на нестройное пенье откликнется Рейн из тумана Гулом осени стоном и оханьем Левиафана [45] И лулавы качнутся над каждою шляпою лесом живым [46] Ханотейн нэ Камот багоим толахот балэумим [47]

 

SCHINDERHANNES

Dans la forêt avec sa bande Schinderhannes s'est désarmé Le brigand près de sa brigande Hennit d'amour au joli mai Benzel accroupi lit la Bible Sans voir que son chapeau pointu A plume d'aigle sert de cible A Jacob Born le mai foutu Juliette Blaesius qui rote Fait semblant d'avoir le hoquet Hannes pousse une fausse note Quand Schulz vient portant un baquet Et s'écrie en versant des larmes Baquet plein de vin parfumé Viennent aujourd'hui les gendarmes Nous aurons bu le vin de mai Allons Julia la mam'zelle Bois avec nous ce clair bouillon D'herbes et de vin de Moselle Prosit Bandit en cotillon Cette brigande est bientôt soûle Et veut Hannes qui n'en veut pas Pas d'amour maintenant ma poule Sers-nous un bon petit repas Il faut ce soir que j'assassine Ce riche juif au bord du Rhin Au clair des torches de résine La fleur de mai c'est le florin On mange alors toute la bande Pète et rit pendant le dîner Puis s'attendrit à l'allemande Avant d'aller assassiner

 

ШИНДЕРХАННЕС

[48]

Лесной разбойник Шиндерханнес В тени спасительных ветвей Ржет от восторга женихаясь Кутит с разбойницей своей Корпит над Библией упорно Грабитель Бенцель целый день А шляпа друга служит Борну Тот превратил ее в мишень Жюльетта Блезиус щебечет Икает и рыгает враз А Шиндерханнес кукаречит И Шульц вино несет тотчас Слезу притворную роняя Кричит разбойник Да пускай Придут жандармы дорогая Ковша из рук не выпускай Пей дорогуша сердце просит Ковш до краев наполнен пей Что лучше мозельского Прозит А ну бандиты в пляс живей Пьяна лесная одалиска И валит Ханнеса в траву А тот Еще не время киска Неси-ка лучше нам жратву Смолите факелы ребята Нам спать сегодня недосуг Жидовская мошна богата Набит флоринами сундук Все пьют и жрут гогочут зычно Поди веселье удержи И по-немецки педантично Готовят ружья и ножи

 

♦♦♦

 

CLAIR DE LUNE

Lune mellifluente aux lèvres des déments Les vergers et les bourgs cette nuit sont gourmands Les astres assez bien figurent les abeilles De ce miel lumineux qui dégoutte des treilles Car voici que tout doux et leur tombant du ciel Chaque rayon de lune est un rayon de miel Or caché je conçois la très douce aventure J'ai peur du dard de feu de cette abeille Arcture Qui posa dans mes mains des rayons décevants Et prit son miel lunaire à la rose des vents

 

ЛУННЫЙ СВЕТ

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Луна с безумных губ всю ночь роняет мед И пригород его как лакомка сосет А звезды роем пчел слетаются на это Садам приевшееся медоточье света На эту патоку что капает с луны Ее лучи густы и в мед превращены Гляжу с опаскою на приторную сцену Боюсь пчела Арктур [51] тебе я знаю цену Не с розы ли ветров он собран этот мед Что тянется как луч и мне ладони жжет

 

1909

La dame avait une robe En ottoman violine Et sa tunique brodée d'or Était composée de deux panneaux S'attachant sur l'épaule Les yeux dansants comme des anges Elle riait elle riait Elle avait un visage aux couleurs de France Les yeux bleus les dents blanches et les lèvres très rouges Elle avait un visage aux couleurs de France Elle était décolletée en rond Et coiffée à la Récamier Avec de beaux bras nus N'entendra-t-on jamais sonner minuit La dame en robe d'ottoman violine Et en tunique brodée d'or Décolletée en rond Promenait ses boucles Son bandeau d'or Et traînait ses petits souliers à boucles Elle était si belle Que tu n'aurais pas osé l'aimer J'aimais les femmes atroces dans les quartiers énormes Où naissaient chaque jour quelques êtres nouveaux Le fer était leur sang la flamme leur cerveau J'aimais j'aimais le peuple habile des machines Le luxe et la beauté ne sont que son écume Cette femme était si belle Qu'elle me faisait peur

 

1909

У нее было синее платье Платье из тонкого шелка А хитон с золотой нитью Был двумя отрезами ткани Скрепленными на плече Она смеялась смеялась И глаза ее танцевали подобно ангелам в небе И лицо ее напоминало три цвета французского флага Голубые глаза белые зубы и очень красные губы Да лицо ее напоминало три цвета французского флага У нее было круглое декольте Прическа а-ля Рекамье [52] И прелестные голые руки Засидишься ли ты в этом доме чтобы полночь пробили часы Та у которой было платье из синего шелка И хитон с золотою нитью И круглое декольте Выставляла на обозренье Локоны под золотой повязкой И медленно переступала туфельками на пряжках Она была так прекрасна Что ты никогда не дерзнул бы ее полюбить Я любил этих грубых женщин в огромных кварталах Где что ни день выводили на свет существ небывалых Их кровью было железо а мозгом пламя Я любил я любил это бойкое племя рожденное веком Где всего лишь накипью были красивость и роскошь Она же была так прекрасна Что меня охватывал страх

 

CORS DE CHASSE

Notre histoire est noble et tragique Comme le masque d'un tyran Nul drame hasardeux ou magique Aucun détail indifférent Ne rend notre amour pathétique Et Thomas de Quincey buvant L'opium poison doux et chaste A sa pauvre Anne allait rêvant Passons passons puisque tout passe Je me retournerai souvent Les souvenirs sont cors de chasse Dont meurt le bruit parmi le vent

 

ОХОТНИЧЬИ РОЖКИ

Как маска древнего тирана Высок трагичен и суров Роман который как ни странно Не требует волшебных слов Ни риска в нем и ни обмана Вот так де Квинси [53] пить готов Свой опиум невинно-сладкий За бедной Анной [54] бездной снов И я блуждаю без оглядки Нам этот путь знаком и нов Стихает память как в распадке Призыв охотничьих рожков